Hier à l’occasion de la journée mondiale de la femme, la marque Dove lançait un grand casting national pour choisir les 20 femmes de son prochain clip publicitaire : Toutes belles, toutes différentes .
http://www.youtube.com/watch?v=cUbEx4UNwCE
Un message publicitaire bienveillant. Vous noterez au passage le paradoxe que soulève ce concours : selon une étude de Dove, 77% des femmes n’aiment pas être prises en photos, et pourtant on ne peut que constater le succès de la campagne au vu du nombre de candidates qui espèrent être choisies par le jury…
Mais la marque n’est pas la seule, en février dernier dans un numéro de Vanity Fair, Kate Winslet et Scarlett Johansson prenaient le « risque ? » d’apparaître photographiées sans maquillage, ni mise en beauté particulière et sous une lumière peu flatteuse. La marque de lingerie Aerie faisait prendre la pose pour leur nouvelle collection à des jeunes femmes choisies pour leur authenticité. Et que dire également, des mannequins en vitrine des boutiques American Apparel et dont la pilosité pubienne apparente et « sauvage » a dû en surprendre plus d’un ?
Je me souviens également d’un numéro du magazine Elle en 2009, précurseur dans cette tendance de la « real beauty », qui proposait des photos de Monica Belluci et Sophie Marceau pour ne citer qu’elles, sans maquillage, au naturel. Et l’article de préciser que certaines de ces célébrités n’avaient pas été faciles à convaincre, la journaliste soulignant ainsi le poids des encore très présent des apparences, du contrôle de l’image, de ce fantasme de perfection, du culte de la beauté sur papier glacé.
Leur leitmotiv à tous, la beauté au naturel, réelle, sans fard et surtout sans retouches.
Car aujourd’hui les choses changent, la normalité s’affiche et se pose désormais en argument marketing pour les marques. La désacralisation de l’égérie est en marche.
Finie donc la femme objet tant décriée, finie le top model aux mensurations anormales « fashion porte-manteau ». Le règne de Barbie est terminé, vive la nouvelle reine Lammily et ses proportions féminines normales, donc réalistes.
Est-ce que cela signifie que Gisèle et ses copines mannequins peuvent aller se rhabiller pour cause de pré-retraite ? Pas sûre.
Quand l’argument est sincère, au service de combats engagés, revendiqués et assumés alors je dis bravo.
Les photos de photographes comme Jade Beall (des femmes post accouchement) ou encore la campagne publicitaire de la marque de lingerie Forever Yours avec Elly Mayday (malade du cancer) en égérie, véhiculent l’idée que malgré les stigmates des grossesses ou de la maladie nous restons femmes et désirables. Le message est noble.
Mais pour certaines marques, l’objectif est plutôt au service du buzz et donc du profit. Et, dès lors que la plupart de ces photos naturalistes avec leurs modèles « normaux » reprennent les mêmes codes de scénographie, de lumière, de style que leurs jumelles des photos de mode retouchées, on peut s’interroger. Certaines semblent même nous dire : « Soit naturellement belle, assure, d’ailleurs regarde, Scarlett, sans maquillage y arrive elle. »
Le but revendiqué ? Enlever la pression vécue par de nombreuses femmes dans leur quête de perfection afin de ressembler aux icônes irréelles des magazines. Mais, et si à force de naturel, cette pression s’inversait pour ces femmes, qui rêveront désormais de concilier l’inconciliable : la perfection normale ?
Oui bon je sais, vous allez me dire que je ne suis jamais contente. Nous nous bâtons sans cesse pour la fin des diktats de la beauté idéale et, quand ceux-ci semblent tomber, nous nous insurgeons.
Et bien oui, il ne faudrait pas qu’une monarchie absolue de la beauté soit remplacée par une dictature intransigeante de la normalité.